En l’an 2080, le coronavirus n’est plus qu’un souvenir lointain. Alors que la mémoire vivante de la pandémie est portée par la dernière génération à l’avoir vécue, les traces physiques de cet événement se retrouvent principalement dans les livres d’histoires et les musées. Au travers de cette nouvelle normalité, les plus vieux racontent aux plus jeunes « l’avant ». Ce récit journalistique romancé imagine ce qui pourrait marquer les mémoires futures en retraçant l’expérience d’Elisa, 25 ans au moment des faits. Soixante ans plus tard, cette même Elisa, âgée de 85 ans, raconte son histoire à sa petite-fille Alice.

Elle sautille partout, chantonne, fouille. Alice, ma petite fille, adore fouiner dans mon appartement pour y découvrir des trésors en tout genre. La semaine dernière, elle y a déniché un iPhone X. Autant dire qu’elle ne savait même pas à quoi ce gadget servait. Cela fait bien longtemps que les smartphones ont été remplacés par des lunettes à réalité augmentée, auxquelles j’ai encore du mal à m’habituer. « Mamie, c’est quoi ce médicament ? » Alice, excitée, brandit une boîte poussiéreuse. « Où est-ce que tu es allée fouiner cette fois ? », dis-je en repositionnant mes binocles à double fond. Ma petite fille me tend son trésor découvert au fin fond de mon armoire à pharmacie. « Test rapide antigénique », lis-je à haute voix. Silence.

« Ma chère, je pourrais te l’expliquer en 30 secondes, ou deux heures. La version courte ? C’est un test qui nous a servi à détecter une infection au coronavirus au début des années 20, c’est-à-dire il y a tout juste soixante ans. La version longue: c’est le symptôme d’une époque qui a bouleversé la vie des habitants de la planète entière, et qui marque aujourd’hui encore la vie de ceux qui n’ont pas connu cette période. Tu préfères la deuxième version ? Assieds-toi. Et écoute attentivement. Je vais te partager mon histoire, et celle d’une génération. Une génération pour laquelle, du jour au lendemain, tout s’est arrêté. » Alice s’assied en face de mon fauteuil, les yeux ronds. « Commence par me visualiser sans mes rides, mais toujours avec mon caractère de cochon », dis-je en riant, avant de débuter mon histoire.

Premier chapitre: la faute aux Chinois
Année 2020

Tout le monde s’en moquait carrément. Non mais c’est dingue, quand on y pense. Ce virus né en Chine ne concernait que les Chinois, dans la tête des gens. Comme Ebola en Afrique ou la dengue en Asie. Alors, quand les médias occidentaux ont révélé son existence, personne ne s’en est inquiété plus que ça. Ça les concernait eux, et pas nous. Sauf que ce mystérieux virus a fini par arriver en Europe, puis en Suisse, puis à Genève. Peut-être dans un ordre différent, personne ne le sait vraiment. L’important, c’est qu’il est arrivé chez « nous ». Et qu’il est tout à coup devenu réel. Cette réflexion, je me la suis faite pour la première fois du haut de mon balcon, lorsque tout a commencé.

- « Tu avais quel âge Mamie ? » Me coupe Alice, intriguée.

- « Je devais avoir… 25 ans ? Oui, je crois bien », dis-je avant de reprendre mon récit.

Deux hypothèses s'opposent sur l’origine du coronavirus. La première soutient que le coronavirus aurait été transmis sur depuis un marché de Wuhan en Chine, de la chauve-souris à l'homme, ou par un animal intermédiaire, comme le pangolin.

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Cependant, les chauve-souris porteuses du coronavirus les plus proches seraient situées à Yunnan, à plus de 1000 km du Wuhan.

La deuxième hypothèse soutient que les scientifiques du laboratoire de l'Institut de virologie de Wuhan ont effectué de nombreuses expéditions dans la région du Yunnan pour collecter des coronavirus. Se pose alors la question de savoir s'ils ont pu rapporter le virus lors d'une expédition.

Je suis donc sur mon balcon. Le soleil caresse mes joues. Les cours sont terminés, une petite pause tranquille avant de retourner étudier. Le temps de me laisser bercer par mes pensées. C’est là que les mots me reviennent à l’esprit. « Dégage sale Chinois plein de microbes, bouffeur de pangolin. » Cette phrase lancée, entendue plus tôt au coin d’une rue, résonne encore dans mes oreilles.

« Non mais tu y crois ? C’est un aperçu du harcèlement de rue dont certaines personnes d’origine asiatique ont été victimes, à cette époque .Tu avais leurs traits ? Pas de bol, tu étais porteur. Et dangereux », dis-je à Alice, d’un air révolté.

Porteur de quoi au fait ? Un virus mystérieux, une sorte de pneumonie agressive, une merde sans nom qui aura tout immobilisé pendant plusieurs années. Mais ça, on ne le savait pas encore. Bref. Ma petite pause bronzette terminée, je me redresse pour aller me préparer. Mélissa ne devrait pas tarder à arriver.

- DRING ! -

Ah, quand on parle du loup. Mélissa, joviale, débarque chez moi comme un ouragan, se sert un sirop tout en blablatant à on ne sait qui. Est-ce qu’elle a même remarqué que j’étais là ? Parfois, je me pose la question. Il faut dire qu’on se voit presque tous les jours depuis nos quinze ans. L’impertinente a pris ses habitudes. Soudain, tête relevée, elle décide de m’adresser la parole.

- « Meuf, tu vas pas me croire. J’ai vu des gens qui portaient un masque dans la rue aujourd’hui », raconte-t-elle en s'empiffrant des chips trouvées dans un placard.

- « Sérieux ? Trop bizarre. On n’en sait rien, si le masque protège de ce virus. Et pis c’est pas comme s’il était si répandu que ça, ici. »

- « ... » Bouche pleine, hochement de tête.

La dernière fois que je suis sortie, les quelques visages couverts dans les bus me mettaient mal à l’aise, comme si je côtoyais des gens malades. C’est assez ironique quand on y pense, puisque les masqués veulent surtout se protéger de la maladie. Et puis il y a cette sorte de pression sociale lorsque tu te mets à tousser en public. Si ta gorge pique, gare aux regards méfiants.

Mélissa gratte les dernières miettes de chips et se redresse théâtralement. « Ça y est, on peut y aller ». Le programme: boire des coups à l’Éléphant dans la canette. Comme un week-end normal. Sur le chemin, entre bruits de moteurs et pigeons, les passants bravent le froid pour se diriger, comme nous, rue des bars. Mon amie raconte qu’elle a téléchargé « Plague inc », un jeu smartphone dont le but est de propager le plus rapidement possible un virus à l’ensemble de la planète. « Drôle avant cette histoire de coronavirus, mais aujourd’hui ? », questionne-t-elle. Intriguée, je lance une recherche Google pour comprendre de quoi il s’agit. C’est à ce moment qu’une notification apparaît sur mon écran: « L’OMS considère l’épidémie de Covid-19 comme une pandémie. »

Une pandémie plutôt qu’une épidémie ? Le mot semble dramatique. Heureusement, notre arrivée au bar nous fait rapidement changer de sujet. On en parle déjà trop à mon goût, de ce virus...

Chope dans une main, clope dans l’autre, nous nous posons à notre table habituelle. Et après quelques heures de franche rigolade, Mélissa propose de trinquer à des moments comme celui-ci, qui, l’espère-t-elle, seront réitérés toute notre vie. Mon verre vient cogner le sien en guise d’approbation.

Daniel Koch, directeur de la division « Maladies transmissibles » de l'Office fédéral de la santé publique, déclare dans un point presse le 17 mars 2020 que: « Le grand public n'a pas la capacité qu'a le personnel de soins à manipuler un masque. Il n'est donc pas prouvé que distribuer des masques au public permette de protéger les gens ».

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Dans les jours qui suivent, les pharmacies sont cependant en rupture de stock. Un peu partout, des masques en tissus sont fabriqués.

Ce n'est qu'à partir du 6 juillet 2020 que le port du masque devient obligatoire dans les transports communs, puis dans les espaces publics clos dès le 18 octobre de la même année.

Deuxième chapitre: le jour où tout s'est arrêté

Depuis plusieurs jours, je suis les nouvelles avec, il faut le dire, plus d’attention que d’habitude. Tantôt moqueuse, tantôt dubitative. Et puis la nouvelle est tombée un vendredi. Il est 14h22, dans la classe d’art plastique de Monsieur Lavet. Une voix grisonnante interrompt la tirade du professeur. Cette voix, c’est la direction, propulsée par les vieux hauts-parleurs répartis dans la salle.

« La décision a été prise de confiner l’ensemble des écoles en Suisse. »

Soudain, le silence marque la surprise, l’effroi, le vide. Même si nous étions presque avertis, quelque part, au fond de nos consciences.

Je n’entends plus qu’un bruit sourd. Tout devient plus étrange, plus grave, plus inédit, aussi. Je vide mon casier et quitte mes camarades avec un étrange sentiment anxieux. Mes affaires viennent s’entasser entre les murs étroits de mon studio.

Ça suffit, je ne vais pas céder à l’angoisse. Et puis il faut bien continuer à vivre. D’ailleurs, mon frigo est cruellement vide, il est temps de faire quelques courses. J’enfourche mon scooter, direction la Migros. Mais arrivée sur place: stupeur. Du vide à perte de vue.

Le 13 mars 2020, le Conseil fédéral ferme toutes les écoles jusqu'au 4 avril et débloque 10 milliards pour l'économie.

Certains paraissent inquiets, d’autres ont un regard grave. Les rayons ont été dévalisés. Les aliments conservables… le papier toilette, aussi. Fais chier, j’en ai plus. Je demanderai à mon voisin, cet ermite a toujours ses placards bien remplis. De retour, je fonce chez lui.

- Toc toc toc ! -

Benjamin, yeux plissés et visage bouffi, ouvre sa porte en me dévisageant.

- « Salut, c’est l’apocalypse dehors. T’aurais pas un rouleau de PQ pour moi ? »

- « Ouais… mais désolé, je t’en passe juste un, répond-il avec nonchalance. Il nous en faut pour nous aussi.

Benjamin referme sa porte rapidement, à double tour. Aurait-il peur que je sois contaminée ?

C’est la loi du chacun pour soi…Je me surprends alors à réaliser de drôles de calculs. Je tiens combien de temps avec mes fruits, mes légumes ? Ai-je assez d’argent en réserve pour tenir quelques mois sans bosser ? L’économie suisse va-t-elle s’effondrer ? L’angoisse monte.

Vite. Je saisis mon téléphone pour appeler ma mère. Mais elle qui a auparavant toujours su me rassurer, semble curieusement à côté de la plaque. Fébrile, elle me raconte que deux de ses connaissances ont des enfants médecins. Ces derniers sont tous les deux infectés. Évidemment… en premières lignes, ils ramassent. Je me fends d’une rapide estimation… On doit être à 25% de population touchée. Donc 25% des médecins aussi… J’espère qu’ils ont tenu compte de ce petit détail dans les dispositifs d’urgence.

- « Et toi, comment ça va maman ? Tu te sens bien ? »

- « Oui tout va bien. Samedi soir, j’ai fêté les 50 ans d’un collègue. Mais t’inquiètes pas, dimanche midi, je suis allée au resto pour conjurer le mauvais sort », dis-t-elle en rigolant.

- « Fais attention quand même… »

- « Mais ça va… on est pas en temps de GUEEERRE », s'excite-t-elle.

C’est vrai, on n’est pas en temps de guerre. Mais les écoles ferment et les magasins sont dévalisés ! Apparemment, certains sont encore dans le déni.

Et puis le lundi arrive. Tête un peu lourde, yeux dans le brouillard, les gestes sont exécutés machinalement: machine à café branchée, ajouter de l’eau, vider le lave-vaisselle, remplir le lave-vaisselle, nettoyer le plan de travail, boire un café.

Se mettre devant l’ordinateur ? Entrer en contact à distance ? Ou regarder le monde en soi ? Une émission radio sur l’émerveillement: seul ou à partager ? Avec pragmatisme, j’ouvre mon laptop. À distance. Étudier à distance. Et surtout, un mémoire à réaliser sans l’aide de mes professeurs ou camarades. Ils ne sont plus là. L’occasion de partager la solitude que je ressens…sans mètres de distance. C’est peut-être bon pour mon inspiration, cet isolement, finalement. Fatiguée, je saisis mon téléphone, la bête ne cesse de vibrer.

À la mi-mars 2020, le coronavirus continue de se propager en Suisse. Quelque 1189 cas ont été confirmés et treize personnes sont décédées.

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Les adultes restent nettement plus touchés que les enfants. En première ligne, le personnel soignant est épuisé. Chaque semaine, la Suisse applaudit les soignants. Une action diffusée sur les réseaux sociaux, qui est née en Italie.

Si la première vague a été relativement bien gérée et supportée par les infirmières et infirmiers, s’en est suivie une pénurie du personnel des soins intensifs.

Non. C’est pas possible ?! Ils ferment tout ! Plus de magasins excepté les essentiels. Ça veut dire plus de vêtements, de restaurants, de coiffeurs, de librairies. On oublie les soirées, bien sûr. Le début du néant.

- « Mais tu étais obligée de rester chez toi, mamie ? » Demande Alice, qui me tire de mes souvenirs.

Parvient-elle à comprendre la situation, ou faut-il l’avoir vécue ? Difficile à dire.

« Tous les magasins non essentiels étaient fermés, les écoles aussi. On nous demandait de télétravailler et de rester le plus possible chez nous. Alors oui, on peut dire que je me sentais obligée, même si dans les formes, ce n’était pas tant le cas que ça. Je me sentais seule. Vraiment très seule. Mes journées s’écoulaient et je les passais à attendre que quelqu’un m’appelle. » Alice saisis le verre de sirop en face d’elle.

« Que s’est-il passé ensuite ? » Demande-t-elle entre deux gorgées.

« Ensuite, nous avons dû nous habituer tant bien que mal à de nouvelles règles établies pour protéger les plus faibles. Cela a été très difficile pour les jeunes... » Au moment de prononcer ces mots, je nous revois encore, Mélissa et moi, ce fameux après-midi où nous avons été agressées.

« Agressées ?! Raconte, mamie Elisa ! », s’exclame Alice.

« Voilà comment les choses se sont passées… »

Le 16 mars 2020, le Conseil fédéral décrète une « situation extraordinaire » (état d'urgence sanitaire) au sens de la loi sur les épidémies, ce qui lui permet d'édicter des mesures nationales identiques pour tous les cantons.

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Les événements publics ou privés sont interdits.Tous les magasins, marchés, restaurants, bars, établissements de loisirs sont fermés. Doivent également fermer leurs portes les salons de coiffure et autres centres esthétiques. Ces mesures sont initialement prévues jusqu'au 19 avril.

Troisième chapitre: la faute aux jeunes

Il me tape la casquette, m'agrippe le col, nous beugle dessus. Mélissa est en panique. Cette confrontation, on ne l’a pas vécue dans une ruelle sombre, mais dans un parc ensoleillé, sur les hauts de ville. « Tout ça, c’est de votre faute ! », s’excite le cinquantenaire, dans un élan de violence verbale. Notre crime ? Nous avons osé sortir à deux, prendre l’air dans un endroit non fréquenté. Notre promenade de la journée.

Le cœur serré, je rentre chez moi. Les pensées fusent. Bien sûr, j’ai plus de chances de propager le virus que des octogénaires. Mais après tous les efforts que les jeunes font, c’est comme ça qu’on nous traite ? On met notre vie en parenthèse pour les vieux, que se soit au niveau économique ou au sujet de notre santé mentale, tout le monde est dans la merde ! Et c’est comme ça qu’on nous remercie. Des vieux qui, la plupart du temps, ne font même pas attention à eux ! Une boule s’installe au creux de ma gorge. La menace repartie, Mélissa tremble.

- « Rien que l’autre jour, un papy enlevait son masque pour renifler des oranges à la Migros ! Et c’est pas comme s’ils avaient dû faire une croix sur plein de choses, leur vie à eux n’a pas tant changé que ça », sanglote-t-elle.

Le 20 mars 2020, le Conseil fédéral appelle à rester à la maison, en particulier les personnes malades et les plus de 65 ans.

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Seules peuvent sortir de chez elles les personnes qui doivent se rendre au travail ou chez le médecin, faire les courses ou aider quelqu'un. Ces mesures visent à protéger les personnes vulnérables et à éviter de surcharger les services de soins intensifs des hôpitaux.

Après le choc, ma rage explose. Est-ce qu’on aurait fait autant d’efforts il y a un siècle ? Sur cette question, tout le monde y va de ses petites hypothèses. Benjamin, qui étudie la sociologie à longueur de journée depuis l’appartement d’en face, raconte à qui veut bien l’entendre que les gens ont appris à vivre « chacun pour soi ». « Le Covid nous force à agir de manière collective, ce qui est très difficile pour des individualistes », assure-t-il. Ma mère, qui a finalement commencé à respecter les restrictions sanitaires, s’amuse à comparer la pandémie à la grippe espagnole, qui avait autrefois terrassé l’Europe. « Tu sais, les gens avaient aussi été obligés de se confiner, plus personne ne rentrait en contact avec les foyers malades, et les gens le faisaient par eux-mêmes sans qu’on les en oblige. Je l’ai lu dans des livres d’histoire. » radote-t-elle sans cesse au bout du fil. Mélissa, quant à elle, raconte que la mort était bien plus acceptée autrefois. « Nous n’aurions pas mis notre vie en pause pour sauver des vieux ». Qui a raison ? Qui a tort ? Une chose est certaine: sinueusement, le Covid s’est infiltré au cœur de toutes les discussions, comme s’il n’existait plus que lui.

En réalité, l'histoire de la grippe espagnole de 1918 montre que les Suisses avaient déjà fait des efforts similaires il y a plus d'un siècle.

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La moitié de la population suisse aurait été infectée par la grippe espagnole. Le nombre de victimes s'élève à 24'449, selon les chiffres officiels. À l'échelle planétaire, l'épidémie aurait fait entre 50 et 100 millions de morts.

À l'époque, le Conseil fédéral ne s'était pas attribué les pleins pouvoirs en matière de gestion de la crise, mais a plutôt agi comme soutien financier. Les cantons ont donc géré individuellement la lutte contre la maladie.

Il est cependant erroné de penser qu'aucune restrictions n'aient été établies par les autorités, qui ont interdit les réunions et fermé des établissements publics, tels que certaines écoles ou lieux de loisir. On demandait également aux malades de se confiner.

Gazette de Lausanne, 25 février 1918

Gazette de Lausanne, 2 octobre 1918

Gazette de Lausanne, 26 juillet 1918

Quatrième chapitre: relation à distance

Tu t’imagines, Alice, ne plus pouvoir voir ta famille ou tes amis ? » Ma petite fille secoue la tête de droite à gauche énergiquement.

- « Non mamie...ça a duré longtemps ? »

- « Un mois et quelques jours... »

C’est le temps qu’a duré le premier « semi-confinement », comme ils l’ont appelé. « Semi », parce que certains vivaient le « vrai » confinement. De l’autre côté de la frontière, en France ou en Italie, où les gens n’avaient pas le droit de quitter leur appartement. L’attente a duré un mois et quelques jours, mais sur le moment, l’avenir était incertain. Tous les jours se ressemblaient… je reprends l’histoire ? » Alice acquiesce.

Réveil, travail, promenade. Mais surtout, des écrans. Mon quotidien d’étudiante, c’est 10 heures par jour à communiquer sur Zoom, Whatsapp, Teams… Il y a même une nouvelle application que tout le monde utilise, « Houseparty ». Un moyen de garder un contact social avec mes amis, en buvant un verre, tout en jouant à un pictionnary digital. À distance, toujours à distance.

Et il y a le flot. Le flot interminable d’informations qui vient à moi. « 58 nouveaux décès, 1307 nouveaux cas ». Un système hospitalier qui fatigue. « Il faudrait boire du thé chaud et être fumeur pour éviter la contamination », m’envoie ma propre grand-mère via une chaîne de messages. Le vrai se mélange au faux, et les vieux, inexpérimentés, sont souvent les premiers à diffuser une fake news.

En mars 2020, pendant deux mois environ, les Français et les Italiens avaient l'obligation de rester chez eux. Il ne pouvaient en sortir qu'avec une autorisation ou une dérogation particulière.

Dans ce contexte, certains ont critiqué la Suisse pour son « laxisme », car la Confédération, incitait la population à rester chez elle sans la contraindre.

Le tout est rythmé par l’interminable rengaine d’Alain Berset et ses petits camarades, qui nous donnent rendez-vous chaque mercredi pour nous expliquer à quel point tout va mal. Mélissa, devenue accro à TikTok, m’avoue entre deux « swipes » qu’elle pleure tous les jours. « On va s’en sortir », lui dis-je pour la réconforter, mais sans grande conviction. Mes larmes coulent aussi régulièrement. Je n’en peux plus de ne parler QUE de ça. Comme si la vie n’existait plus. Mais dehors, des gens meurent, le personnel de santé est au bord du gouffre. Alors on se tait. Et on attend.

L'issue initiale du premier semi-confinement était prévue le 19 avril 2020. Mais avec le pic de l'épidémie début avril, la date est repoussée.

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Finalement, après une diminution des cas significative, le Conseil fédéral annonce le 16 avril un déconfinement en trois étapes.

Le 27 avril, les salons de coiffure, magasins de jardinage, crèches physiothérapeutes rouvrent leurs portes. Entre autres, les employés doivent porter le masque et le nombre de client est limité selon la taille du commerce.

Le 11 mai, c'est le tour des écoles primaires, restaurants et autres commerces. Concernant les restaurants, un maximum de 4 clients est autorisé par table. Certains restaurateurs choisissent de ne pas rouvrir car les mesures sont trop contraignantes.

Le 8 juin, les écoles secondaires et supérieures ainsi que lieux de divertissement comme les musées et les bibliothèques accueillent à nouveau du monde.

Le 19 juin, le nombre de malades reste bas et stable depuis plusieurs semaines. L'état d'urgence est donc levé.

Cinquième chapitre: faux espoir

Au milieu de la nuit, les corps se meuvent, les gorges s’irritent entre fumée et chant à tue-tête. Et qu’est-ce que ça fait du bien. Cet été, personne n’est parti. Sauf peut-être le Covid, des esprits des gens. Alors pourquoi je ne me sens pas délivrée ? Peut-être parce qu’au fond je sais que ce n’est pas la fin. Le virus est toujours là. Mais tout le monde l’ignore, trop heureux de reprendre une vie plus ou moins normale. Et moi aussi.

Cette cinquantaine de personnes enivrées qui se trémoussent dans un jardin transformé en discothèque, c’est ma soirée d’anniversaire. Je fête mes 26 ans. Des masques et du désinfectant sont prostrés en périphérie de la piste de danse improvisée. Complètement boudés.

- « Mais mamie ? M’interrompt Alice. C’est si bizarre que ça d’avoir des masques et du désinfectant à un événement ? »

- « Pour toi, qui est née avec, c’est tout à fait normal. Mais à mon époque, ces gestes n’étaient pas du tout communs. Pour beaucoup de gens de ma génération, ils seront toujours associés à cette crise planétaire. Comme cette petite boîte que tu as retrouvée, d’ailleurs. »

- « Mais au fait, tu n’en a pas encore parlé ?! », réalise Alice, en observant le vieil emballage cartonné posé sur ses genoux.

- « Je n’en ai pas encore parlé, car la pandémie ne s’est malheureusement pas arrêtée avec la venue de l’été, même si beaucoup ont pu le croire le temps de quelques mois. Cette boite, comme je te l’ai expliqué avant, c’est un test pour dépister le coronavirus. En quinze minutes, tu avais le résultat. Sauf qu’ils n’ont pas été disponibles tout de suite, ces fameux tests. Avant, il fallait se faire tester à l’aide d’un test PCR assez coûteux, ou rester confiné chez soi pendant 14 jours en cas de symptômes. Du coup, à l’époque, il m’est arrivé d’avoir une grippe et de rester confinée par précaution. »

- « Ah… ce n’était pas fini, en fait ! », s’étonne Alice. « Que s’est-il passé ensuite ? », réclame l’impatiente.

- « J’y viens, j’y viens... »

Les tests rapides ont été rendus disponibles en Suisse dès novembre 2020, c'est-à-dire environ 11 mois après la découverte du Covid-19.

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Ils sont dès lors accessibles aux personnes qui présentent des symptômes et ne font pas partie d’une catégorie à risques. En cas de test négatif, la personne avec des symptômes doit quand même rester en quarantaine jusqu'à 24 heures après la disparition de ceux-ci.

Sixième chapitre: cercle vicieux

L’été est passé, et l’espoir de retrouver une vie normale est parti avec. Apparemment, le Covid se délecte des températures fraîches et les cas montent en flèche. À la télévision, le monde de la restauration et de la culture est meurtri. Eux qui pouvaient enfin accueillir des clients se retrouvent obligés de fermer à nouveau leurs portes. Dans mon cœur et celui de mes amis, c’est un coup de massue supplémentaire. Une sorte d’habitude qui s’installe, aussi.

- « Est-ce qu’on va s’en sortir un jour ? » Me demande Mélissa, qui vient d’entendre la nouvelle, en soufflant un nuage de fumée du haut de mon balcon.

D'octobre à décembre 2020, la deuxième vague débarque.

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19 octobre 2020: les masques deviennent obligatoires dans tous les lieux publics. Le télétravail est recommandé et le Conseil fédéral introduit des limitations concernant les restaurants, les bars et les rassemblements de plus de 15 personnes

28 octobre: interdiction des événements rassemblant plus de 50 personnes. Les boîtes de nuits sont fermées et les bars et les restaurants doivent être fermés entre 23 h et 6 h. L'enseignement dans les universités et hautes écoles doit obligatoirement se faire à distance. Le port du masque est étendu dans certains lieux extérieurs.

22 décembre 2020: les restaurants et établissements culturels et sportifs ferment. Les tests rapides sont rendus possibles sans symptômes, mais sont payants. La capacité d'accueil des magasin est réduite.

La pauvre a commencé en septembre un master dans une nouvelle ville, dont la plupart des cours sont en ligne. Elle se retrouve esseulée dans une chambre d’étudiante de 9 m2. Avec le deuxième semi-confinement, aucun événement, aucune activité culturelle, aucun cours de sport n’est ouvert. Faire des rencontres dans ces conditions ? Mission impossible.

- « Je ne sais pas si je vais y arriver, continue-t-elle. Je pense que la pandémie va encore durer longtemps ».

- « Je dirais au moins jusqu’à l’été 2022 », dis-je, déprimée. Mélissa me regarde avec des yeux exorbités.

- « Encore pour plus d’un an ?! Si c’est ça, je préfère me pendre tout de suite, réplique-t-elle en s’effondrant sur sa chaise. Pourvu qu’ils trouvent un remède miracle le plus vite possible, qu’on s’en sorte enfin. »

Confinés pendant leurs études, les étudiants ont souffert du manque d'interactions sociales. Le type de logement a aussi pu jouer un rôle important sur la manière dont certaines personnes ont vécu cette période particulière.

Face à la souffrance, je me surprends à questionner la stratégie de notre gouvernement. N’aurait-il pas été plus judicieux de ne mettre aucune restrictions sanitaires et de laisser faire l’immunité collective, comme en Suède ? Mais je garde ces pensées pour moi, de peur de blesser quelqu’un qui aurait perdu un proche des suites du coronavirus. C’est arrivé à Clara, une vieille copine. Son père, retraité, était en bonne santé et ne sortait que pour faire ses courses. Et puis, sans prévenir, le Covid l’a eu d’un coup. Après trois semaines, aux soins intensifs, il a demandé à ce qu’on le débranche de l’aide respiratoire. C’était fini. Clara était évidemment effondrée. Alors mieux vaut faire attention lorsqu’on parle d’immunité collective.

La Suède s'est distinguée des autres pays européens en appliquant des restrictions sanitaires beaucoup plus souples. Elle a obligé certains commerces à fermer plus tôt et imposé des limitations de rassemblements, mais elle n'a pas confiné son peuple, ni fermé ses commerces et écoles.

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Ces mesures ont été vivement critiquées à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Au sortir de la pandémie, le bilan est clair: si son économie se porte mieux que ses voisins, le nombre de morts du Covid-19 est beaucoup plus élevé en Suède que dans d'autres pays scandinaves.

Le 16 février 2022, la suède compte en tout 16 579 décès du Covid-19, ce qui correspond à un taux de 1 628 décès par million d'habitants. Le Danemark, quant à lui, dénombre 720 décès par million d'habitants.

En plus, depuis quelques jours, les médias annoncent qu’un premier vaccin vient d’être autorisé en Suisse, ce qui change à nouveau la donne. Face à cette nouvelle, le doute. Bien sûr, au début, quand j’entendais que les scientifiques du monde entier travaillaient sur un vaccin, j’avais hâte qu’il sorte. Mais le produit est arrivé si rapidement que c'en est suspect. Tellement d’informations contradictoires sont affirmées à ce sujet, je ne sais plus trop quoi en penser. Est-ce que le vaccin va nous tuer ? Va nous sauver ? Va nous faire tomber malade à long terme ? Va nous rendre stérile ? Pour l’instant, j’observe les vieux. C’est eux qui se feront piquer en premier.

19 décembre 2020: Swissmedic autorise le premier vaccin contre virus en Suisse, celui de Pfizer/BioNTech. Dès lors, le Conseil fédéral incite la population à se faire vacciner.

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21 avril 2021: le Conseil fédéral présente un plan de vaccination de la population en trois phases. D'abord les personnes vulnérables, puis la population adulte. Enfin, la levée des mesures.

13 septembre 2021: certificat COVID prouvant une vaccination, une guérison ou un test négatif devient obligatoire à l'intérieur des restaurants et lieux culturels.

6 décembre 2021: le variant Omicron pousse le Conseil fédéral à étendre l'utilisation du certificat COVID. Il est désormais obligatoire dans les espaces intérieurs. La durée de validité des tests rapides passe de 24 à 48 heures.

20 décembre 2021: seules les personnes vaccinées ou guéries auront désormais accès à l’intérieur des restaurants, ainsi qu'aux événements en intérieur (règle dite des « 2G »). S’il n’est pas possible de porter le masque, ou de consommer assis, comme dans les discothèques et les bars, les personnes vaccinées ou guéries devront aussi présenter un test négatif (règle des « 2G+ »).

Au 22 avril 2022, environ 70% de la population suisse avait reçu deux doses de vaccin.

Septième chapitre: la faute aux non-vaccinés

Il y a foule devant les grillages de Palexpo. Aujourd’hui, pas d’événement particulier, mais des piqûres par centaines. Ironie: les corps se bousculent les uns les autres, pressés de recevoir le Saint-Graal, sans les deux mètres de distance usuels.

En Suisse, en France, et un peu partout, les dirigeants avaient annoncé qu’ils ne rendraient pas la vaccination obligatoire. Pourtant, nous y voilà aujourd’hui fortement incités, à coup de QR codes et autres moyens de pression. Les vaccinés sont autorisés à consommer au chaud. Les non-vaccinés, quant à eux, sont exilés sur les terrasses.

« C’est une dictature », dénoncent certains. D’autres n’hésitent pas à comparer les restrictions sanitaires au régime de la Shoah. « C’est la bonne décision pour sortir de cette crise », clament leurs opposants, persuadés que le vaccin nous sauvera tous. Partout, les tensions montent.

Mélissa tapote du pied impatiemment. Son verre est déjà à moitié vidé.

- « Tu en as mis, du temps ! », rouspète-t-elle.

- « Désolée, il y avait un monde fou pour le vaccin, c’était hyper mal organisé. »

-« Ah, tu fais partie des privilégiés maintenant, félicitations… »

Elle provoque, mais elle n’a pas complètement tort. Ce système privilégie les vaccinés et crée parfois des situations loufoques. Rien que l’autre jour j’étais à un repas de famille. Ma mère déboule en disant à tout le monde, « je ne fais la bise qu’aux vaccinés ! »

« Ridicule », réagit Mélissa au moment où je lui raconte cette histoire. « On sait bien que les vaccinés ont plus de chances de ramener le Covid à un repas de famille, puisque ceux-ci ne se font jamais tester. Les « non-vax », quant-à-eux, sont obligés de se faire tester régulièrement ». Normal, elle qui n’est pas vaccinée se prend sans cesse des remarques de son entourage et doit se faire tester tous les deux jours dans des pharmacies. « C’est surtout difficile à gérer au niveau de mon organisation, explique-t-elle. Je dois prendre rendez-vous tous les deux jours. Résultat: je loupe certains cours, et que je dois toujours savoir précisément où je serai dans 48 heures pour choisir la pharmacie idéale. »

- « Ça ne te donne pas envie de te vacciner ? 

- « Non, mais je vais bien devoir le faire… Je me sens complètement trahie par les autorités qui nous promettaient qu’on y serait pas forcés. Et j’ai peur des effets secondaires », réplique-t-elle, le regard fatigué.

Huitième chapitre: vivre avec

D’abord Carla, puis Olivia, puis Ismaël… puis tout le monde. Vaccinés et non vaccinés sont happés par Omicron, petit frère des variants Alpha et Delta. La plupart des Suisses passeront à la casserole, à en entendre les experts. Face au risque et aux centres de tests débordés, pas le choix, je fais mes stocks de tests rapides à la pharmacie.

C’est comme cela, que nous parviendront à l’immunité collective, disent certains. Pour tenter de faire face, la Confédération divise la population entre non-vaccinés, guéris, testés et vaccinés à coup de 3G, 2G et 2G+. Je n’y comprends rien. Mais malgré ma frustration, les commerces sont à nouveau ouverts, les écoles, restaurants et boîtes de nuit aussi. En y repensant, je me sens bien mieux qu’il y a un an.

Nous les humains, nous sommes des êtres dociles qui nous habituons à tout. Le Covid partira peut-être définitivement un jour. Mais en deux ans seulement, toute notre vie a radicalement changé. Retrouver la normalité, est-ce que c’est bien possible ? Ce sujet anime souvent mes discussions avec Mélissa.

- « Je ne sais pas comment s’appellera le variant de l’année prochaine, mais… pour moi, on ne va pas éradiquer le Covid. On va s’habituer à vivre avec, et devenir des mutants », dis-je en riant à Mélissa.

- « Abusé ! S’esclaffe-t-elle. Ce qui me fait aussi peur, c’est les gosses. J’ai vu des vidéos d’enfants qui mettent leurs mains en dessous de tous les meubles qui dépassent, alors qu’il n’y a pas de désinfectant ! Ils imitent les adultes, quoi… »

- « Exactement. Et puis on touche beaucoup moins les choses et les gens. Moi, souvent, je fais des « hugs », comme les états-uniens. Ou alors j’appuie avec mon coude pour ouvrir la porte du bus. »

- « Pareil ! S'exclame Mélissa. Et je ne sais pas si tu as remarqué, mais on arrive mieux à lire les expressions des gens en regardant uniquement leurs yeux. »

Le 30 novembre 2021, le conseil fédéral se réunit en séance extraordinaire pour discuter de la découverte d'un nouveau variant très contagieux, Omicron. Celui-ci peut infecter les personnes immunisées contre d'autres variants, tels que le variant Delta.

En savoir plus

Dans le mois qui a suivi l'arrivée d'Omicron, les experts estiment que 30 à 40% de la population en aurait été infectée. Ce chiffre pourrait être multiplié en tenant compte des personnes infectées qui ne se sont pas annoncées.

Fin

Dans la pièce, la lumière laisse peu à peu place à un bleu nuit. Alice, impatiente, profite de mon silence pour me questionner.

- « Mais que s’est-il passé ensuite ? Est-ce que le Covid a été battu ? As-tu pu retrouver une vie normale ? » Mes traits se tirent, pourfendant mon visage d’un sourire amusé.

- « Non, je n’ai jamais pu retrouver une vie normale. Mais j’ai retrouvé une vie, c’est déjà ça, dis-je en riant. Avec le variant Omicron, les gens continuaient à tomber malades. Mais il était moins féroce que les autres et la situation a commencé à se détendre dans les hôpitaux. Petit à petit, le Conseil fédéral a décidé de ne plus imposer de restrictions sanitaires. La vie a repris son cours… mais n’est plus jamais redevenue comme avant. La preuve, tu vois encore aujourd’hui des bouteilles de désinfectant et des masques dans le coin des pièces. D’ailleurs, le virus n’a pas non plus été éradiqué. La semaine dernière, c’est tonton Alex qui était infecté, tu te rappelles ? »

Alice acquiesce en baillant. L’heure d’aller dormir approche. En la bordant, je repense à tous ces moments dont je n’ai pas pu lui parler. Tous ces moments où seules les images et les émotions vécues à des instants précis pouvaient réellement expliquer ce que ma génération avait vécu. Sur la table du salon, la boîte cartonnée contenant le test rapide, qu’Alice a laissé traîner. « Dommage, me dis-je. Aujourd’hui, on n’en voit plus des comme celui-ci. Si elle avait tenu plus longtemps, j’aurais pu lui montrer comment il fonctionnait. » Songeuse, je sors l’attirail. Un long coton-tige, une petite fiole et un rectangle en plastique. Un petit coup dans chaque narine, un mélange vif dans la fiole et quelques gouttes déposées sur l’objet plastifié. Les minutes défilent, et le résultat s’affiche: positif. Soit c’est Alex qui me l’a filé, soit ce test vieux de 60 ans ne fonctionne plus, me dis-je en riant. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas un Covid d’aujourd’hui, digne d’un gros rhume, qui aura ma peau. Revers de médaille: je ne peux plus donner l’excuse de la quarantaine obligatoire pour rester tranquille chez moi. Amusée, ma fatigue commence elle-aussi à me rattraper. Demain, je vois Mélissa. L’occasion de partager ensemble des souvenirs qu’elle seule pourra vraiment comprendre.

Nora
Foti

Narration

Maude
Renevier

Illustrations

Alexandre
Zürcher

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